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Romain Malafosse, directeur patrimoine, CDC habitat : "nous avons conçu un outil inédit pour évaluer la résilience d'un immeuble et adapter notre parc immobilier".

Le parc de logements français est largement inadapté au dérèglement climatique, en particulier, aux risques majeurs que représentent les canicules, les inondations ou encore le retrait-gonflement des argiles. Romain Malafosse, directeur du Patrimoine du groupe CDC Habitat, nous explique comment l’un des principaux bailleurs français prend en compte les risques climatiques actuels et futurs. Et organise l’adaptation d’un parc immobilier de plus d’un demi-million de logements.

Face au dérèglement climatique, les logements sont en première ligne. Quelle stratégie d’adaptation mettez-vous en place ?

En tant que bailleur d’intérêt général, nous avons un enjeu majeur de confort et de sécurité sanitaire pour nos locataires. En complément de notre stratégie bas carbone, dès 2021, nous avons travaillé sur un plan d’adaptation au changement climatique au sein du groupe. Une première phase, nous a permis de réaliser une cartographie des vulnérabilités à l’horizon 2050 et d’identifier 500 sites particulièrement exposés partout en France. A partir de ce premier état des lieux, nous avons voulu identifier les bâtiments les plus vulnérables. Mais quand nous avons cherché sur le marché une solution clé en main pour évaluer la résilience d’un immeuble, nous n’en avons pas trouvé. Nous avons alors décidé de développer notre propre méthode : le diagnostic de performance résilience. Cet outil évalue si le bâtiment est en mesure de faire face aux aléas climatiques auxquels son territoire est exposé: inondations, submersion, tempêtes, sécheresses, mouvements de terrains, etc.

Ce diagnostic fonctionne comme un DPE (diagnostic de performance énergétique) avec des étiquettes de A à G. Pouvez-vous nous expliquer ?

Le niveau de résilience du bâtiment est identifié via une étiquette allant de A (résiliant) à G (vulnérable). Nous sommes le premier bailleur à nous doter d’un tel outil et à chercher à cartographier notre patrimoine. Cela nous permet d’identifier les sites les plus à risque et d’adapter nos interventions, notamment dans le cadre de nos futurs programmes de réhabilitation. Depuis 2021, nous avons testé ce diagnostic sur 80 bâtiments, soit plus de 7 800 logements. Cette phase expérimentale achevée, nous accélérons le rythme : 500 DPR seront réalisés d’ici à 2027 pour agir sur les ensembles immobiliers prioritaires.

Quel investissement cela représente-t-il?

Chaque diagnostic revient à 3 000 euros. C’est un investissement d’importance pour notre groupe mais c’est aussi un véritable outil d’aide à la décision. Cela nous aide à mettre en évidence les travaux à mener et à évaluer le surcoût que représente l’adaptation au changement climatique. Plus largement, ce diagnostic nous va nous servir à éclairer nos stratégies d'investissement et de développement : comment construire et concevoir nos futurs ensembles immobiliers, selon leurs zones d’implantation et leurs niveaux d’exposition ?

Quelles actions d’adaptation avez-vous déjà mises en place grâce à cet outil ?

Le principal risque que nous avons identifié pour nos logements est celui des canicules à répétition avec un enjeu de confort d’été. Au-delà des travaux d’isolation que nous avons déjà intégrés dans notre plan de réduction des émissions de Co2, nous avons mis en œuvre plusieurs expérimentations. C’est le cas dans le sud de France où nous utilisons de la peinture réfléchissante sur les toitures terrasses qui renvoie les rayonnements et diminue l'effet « cocotte ». Nous préconisons aussi l’installation de brasseurs d'air. À l’échelle des sites, nous menons des réflexions sur la création d’îlots de fraîcheur et la désartificialisation des sols.

Au-delà de la technique, sensibilisez-vous les locataires ?

Oui. Nous les accompagnons sur les bons comportements à adopter pour lutter contre les vagues de chaleur chez soi. Par exemple, le challenge « Fraich’Attitude » a pour but d’apprendre des gestes simples (aérer le soir et matin, se calfeutrer la journée, etc.) : ce n’est pas encore une évidence pour tout le monde. Nous communiquons aussi sur les avantages d’installer un brasseur d’air plutôt qu’une climatisation et comment bien l’utiliser. Les gardiens sont aussi mis à contribution. La sensibilisation est indispensable. L’adaptation, c’est aussi une question d’usage en complément des interventions travaux.

Romain Malafosse